Discussion
Les infections bactériennes des ongles sont causées par des bactéries Gram-négatives, généralement P. aeruginosa, mais peuvent également être causées par Klebsiella spp. et des bactéries Gram-positives comme Staphylococcus aureus1,2.P. aeruginosa est l’agent pathogène le plus courant à l’origine des infections bactériennes des ongles, bien qu’il soit rarement signalé.3P. aeruginosa est un coccobacille à Gram négatif, aérobie, appartenant à la famille des Pseudomonadaceae. Ces agents pathogènes sont répandus dans la nature, habitant le sol, l’eau, les plantes et les animaux (y compris les humains).
Plus de la moitié de tous les isolats cliniques produisent les pigments bleu-vert pyoverdine et pyocyanine.2P. aeruginosa est un agent pathogène humain opportuniste qui peut produire des infections pulmonaires, rénales et urinaires, voire des infections systémiques. Elle peut également être impliquée dans des infections des tissus mous, de la peau et des ongles chez les sujets immunocompétents et les patients atteints du syndrome d’immunodéficience. P. aeruginosa ne faisant pas partie de la flore cutanée normale, les infections à Pseudomonas de l’ongle intact sont rares. Lorsque l’infection survient, P. aeruginosa colonise les régions humides de la peau, les aisselles, les régions anogénitales et les zones rétro-auriculaires.
La pathogénie des infections des ongles causées par P. aeruginosa n’est pas complètement élucidée. Des facteurs prédisposants doivent être pris en considération : onycholyse, onychotillomanie, microtraumatisme du pli de l’ongle, paronychie chronique, exposition chronique à l’eau, aux savons ou aux détergents, et troubles unguéaux associés, comme le psoriasis.4
L’onycholyse se caractérise par la séparation de la plaque unguéale du lit de l’ongle ; elle est suivie d’une infection secondaire à Pseudomonas, en particulier lorsque les ongles sont exposés à un environnement chaud et humide. Un certain nombre de déclencheurs de l’onycholyse ont été signalés, notamment le psoriasis, l’onychomycose, le syndrome de l’ongle jaune, la dermatite de contact, les médicaments (doxycycline), les troubles endocriniens (hypoparathyroïdie acquise)5, les traumatismes locaux constants, en particulier chez les personnes âgées. La chloronychie est plus fréquente chez les femmes au foyer, les barbiers, les laveurs de vaisselle, les boulangers et le personnel médical, et peut être considérée comme une maladie déclenchée par le travail.6
De petites coupes de l’ongle affecté et/ou des débris sous-unguéaux doivent être envoyés au laboratoire pour des investigations. La coloration de Gram est réalisée présentant des bâtonnets Gram négatifs sans arrangement particulier ; sur milieu gélosé au cétrimide, P. aeruginosa exprime la pyocyanine, un exopigment bleu-vert, et les colonies sont plates, grandes et ovales, avec une odeur fruitée caractéristique.
Récemment, il a été rapporté une forte relation entre l’infection fongique et P Aeruginosa de l’ongle : l’infection fongique stimule la colonisation bactérienne à l’intérieur de l’ongle et la surcroissance de P Aeruginosa en culture inhibe l’isolement du champignon7. Le diagnostic différentiel comprend l’hématome sous-fongique, le mélanome malin, les infections causées par d’autres agents pathogènes comme Aspergillus, Candida et Proteus, et l’exposition chimique à des solutions contenant de la pyocyanine ou de la pyoverdine.8
Le traitement de la chloronychie, en particulier chez les personnes âgées, est difficile dans de nombreux cas et les recommandations basées sur des essais cliniques font défaut.3 Dans le passé, l’ablation de l’ongle entier était une option thérapeutique, mais plus aujourd’hui. Le traitement consiste à couper la plaque unguéale détachée, à brosser le lit de l’ongle avec une solution d’hypochlorite de sodium à 2 % deux fois par jour, à prévenir les immersions répétées en portant des gants en coton et en latex et à administrer des antibiotiques par voie topique et orale.
La sulfadiazine d’argent topique, la ciprofloxacine et la gentamicine ont également été signalées comme des options thérapeutiques précieuses9. L’efficacité des antibiotiques topiques (polymyxine B ou bacitracine) appliqués 2 à 4 fois par jour pendant 1 à 4 mois a été démontrée chez les patients immunocompétents6. Un traitement topique à base de nadifloxacine appliqué une fois par jour pendant plusieurs semaines a été curatif pour deux patients atteints du syndrome d’immunodéficience acquise.4 Lorsque les traitements topiques ne sont pas préférés par le patient, la ciprofloxacine par voie orale doit être recommandée pendant 2 à 3 semaines.
Les infections à Pseudomonas des ongles sont traitées par des fluoroquinolones, lorsque cela est nécessaire, par rapport aux autres infections bactériennes des ongles qui nécessitent une culture et un test de sensibilité. C’est la raison pour laquelle il faut reconnaître facilement, par simple observation clinique de la couleur des ongles, surtout chez les personnes âgées, afin d’éviter des examens de laboratoire inutiles et de gagner du temps.